Symphonie pour un massacre (Jacques Deray, 1963)

Après avoir doublé ses quatre complices, un trafiquant de drogue se retrouve obligé de les tuer.

Quelques facilités pour boucler l’intrigue mais une réalisation alerte et une distribution impeccable en tête de laquelle un Jean Rochefort étonnant de froide dureté. Pas mal.

 

Nos maris (Luigi Filippo D’Amico, Luigi Zampa et Dino Risi, 1966)

Trois sketches:

  • L’épouse de Alberto Sordi se refuse à consommer le mariage. C’est le début d’une inversion progressive des rôles dans le foyer.  In fine, le dénouement hallucinant justifie un postulat quelque peu arbitraire. C’est le seul sketch en couleurs.
  • Jean-Claude Brialy, impuissant, ne peut donner d’héritier à la famille de Michèle Mercier. Pas mal, sans plus. Comme souvent chez Zampa, la voix-off dynamise le récit.
  • Ugo Tognazzi, carabinier, est chargé de séduire une femme des bidonvilles pour mettre le grappin sur son homme, voleur en cavale et très jaloux. C’est le meilleur des trois segments car, à partir des scènes entre le carabinier et la femme, les sentiments font joliment dérailler le programme. Pour autant, le dernier plan est d’un mauvais esprit bienvenu.

 

 

 

Le plus vieux métier du monde (Claude Autant-Lara, Mauro Bolognini, Philippe de Broca, Franco Indovina, Michael Pfleghar et Jean-Luc Godard, 1967)

A la Préhistoire, dans l’Antiquité romaine, pendant la Révolution française, à la Belle époque, de nos jours et dans le futur, l’histoire de la prostitution vue à travers six sketches.

Ça va du très nul (la Préhistoire selon Franco Indovina) jusqu’au pas mal (la Révolution française par de Broca ou la Belle-époque par Michael Pfleghar) en passant par le bellement improbable (l’anticipation de Jean-Luc Godard dans la droite lignée de Alphaville).

Les années rugissantes (Luigi Zampa, 1961)

Sous Mussolini, dans un village reculé, un vendeur d’assurance romain est pris pour un agent du pouvoir central…

Une satire très drôle et très bien sentie qui, tout en ayant pour cadre l’ère fasciste, s’en prend en fait à l’arrivisme et à la veulerie des notables provinciaux. Le tableau n’est pas noirci, un ancrage réaliste qui passe par une attention aux lieux et aux différentes couches sociales est donné à l’intrigue adaptée de Gogol (seule la théâtrale avant-dernière séquence apparaît artificielle), les personnages ne sont pas tous antipathiques et certains sont même sympathiques. Plutôt que de l’altérer, ce sens de la nuance approfondit et élargit la portée de la diatribe. La surprenante conclusion de la romance et l’émouvante amertume du travelling final montrent que les auteurs de cette savoureuse comédie n’ont pas transigé avec leur pessimisme fondamental.

Il Giovedi (Dino Risi, 1964)

Un homme passe une journée avec son fils qu’il n’a pas vu depuis cinq ans.

Une merveille de sensibilité. Quelles sont les qualités permettant d’affirmer que, sur le thème assez classique du père tentant de regagner l’estime de son enfant, Dino Risi a réalisé le film le plus beau et le plus émouvant ?

  1. L’idée d’avoir insufflé un cruel parfum de lutte des classes à la chronique familiale. Ainsi les mensonges comico-pathétiques du père pour faire croire qu’il est socialement plus élevé que la mère de son fils relèvent-ils du meilleur de la comédie italienne.

  2. Plus généralement, la façon de faire résonner l’intrigue intimiste dans l’ensemble de la société italienne. En rendant le spectateur complice quoique, suprême génie de leur part, non complaisant via-à-vis de ce père aimant et immature, les auteurs égratignent discrètement mais sûrement le matriarcat régnant tout en s’attendrissant sur les illusions de liberté du mâle (sublime dernier plan). Tout comme Le fanfaron, Il giovedi me fait dire que Risi a filmé l’Italie et l’Italien mieux que personne.

  3. La mise en scène au sens strict du terme. Contrairement à ce que les auteurs eux-mêmes aimaient à clamer, il y a bien, comme pour tous les genres, une hiérarchie qualitative des films de la comédie italienne suivant leurs réalisateurs. Dans Il Giovedi, la finesse de la direction d’acteurs*, l’absence de caricature, le découpage en plans longs, larges et mobiles ainsi que l’attention de la caméra à l’environnement des personnages donnent une sensation de libre évidence à l’action qui est à l’opposé de la vulgarité sursignifiante d’un Germi. La relation du père avec son fils est représentée avec une économie de gestes qui redouble l’intensité émotionnelle de ceux-ci. Comment ne pas fondre devant l’adieu de l’enfant? Et pourtant, il ne se passe quasiment rien. Tout est dans ce « quasiment ».

  4. La bande originale, bel échantillon de variété italienne des années 60 en parfaite adéquation avec les images.

*Walter Chiari n’a pas fait carrière au cinéma mais c’est regrettable tant son interprétation est d’une grande justesse et le gamin, Roberto Ciccolini, est aussi épatant que les gamins chez Comencini, tout en sobriété.