Un homme passe une journée avec son fils qu’il n’a pas vu depuis cinq ans.
Une merveille de sensibilité. Quelles sont les qualités permettant d’affirmer que, sur le thème assez classique du père tentant de regagner l’estime de son enfant, Dino Risi a réalisé le film le plus beau et le plus émouvant ?
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L’idée d’avoir insufflé un cruel parfum de lutte des classes à la chronique familiale. Ainsi les mensonges comico-pathétiques du père pour faire croire qu’il est socialement plus élevé que la mère de son fils relèvent-ils du meilleur de la comédie italienne.
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Plus généralement, la façon de faire résonner l’intrigue intimiste dans l’ensemble de la société italienne. En rendant le spectateur complice quoique, suprême génie de leur part, non complaisant via-à-vis de ce père aimant et immature, les auteurs égratignent discrètement mais sûrement le matriarcat régnant tout en s’attendrissant sur les illusions de liberté du mâle (sublime dernier plan). Tout comme Le fanfaron, Il giovedi me fait dire que Risi a filmé l’Italie et l’Italien mieux que personne.
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La mise en scène au sens strict du terme. Contrairement à ce que les auteurs eux-mêmes aimaient à clamer, il y a bien, comme pour tous les genres, une hiérarchie qualitative des films de la comédie italienne suivant leurs réalisateurs. Dans Il Giovedi, la finesse de la direction d’acteurs*, l’absence de caricature, le découpage en plans longs, larges et mobiles ainsi que l’attention de la caméra à l’environnement des personnages donnent une sensation de libre évidence à l’action qui est à l’opposé de la vulgarité sursignifiante d’un Germi. La relation du père avec son fils est représentée avec une économie de gestes qui redouble l’intensité émotionnelle de ceux-ci. Comment ne pas fondre devant l’adieu de l’enfant? Et pourtant, il ne se passe quasiment rien. Tout est dans ce « quasiment ».
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La bande originale, bel échantillon de variété italienne des années 60 en parfaite adéquation avec les images.
*Walter Chiari n’a pas fait carrière au cinéma mais c’est regrettable tant son interprétation est d’une grande justesse et le gamin, Roberto Ciccolini, est aussi épatant que les gamins chez Comencini, tout en sobriété.