Play-boy party (Dino Risi, 1965)

Un ingénieur rejoint son épouse dans une station balnéaire bondée…

Dino Risi profite évidemment d’un tel sujet pour se moquer des masses en vacances mais il n’appuie pas la caricature. Sa satire s’exprime surtout avec les plans de la plage bondée, avec des détails amusants au détour des scènes et avec le moyen purement plastique qu’est l’utilisation de la couleur, délibérément criarde. L’histoire du couple confronté à diverses tentations est racontée sans lourdeur, à travers des séquences autonomes et distendues représentant souvent des fêtes où on entend la délicieuse variété italienne de l’époque. Le pessimisme pré-houellbecquien de la vision de l’amour est nuancé par la fin. Encore que je ne vois rien de précis à reprocher à Enrico Maria Salerno, peut-être manque t-il à L’ombrellone un acteur principal de la trempe de Ugo Tognazzi ou Vittorio Gassman et, aussi, un script plus consistant, pour se hisser à la hauteur des meilleurs films de Dino Risi. En l’état, c’est une bonne comédie italienne, représentative de son époque (l’âge d’or du genre) et de son auteur (le meilleur du genre).

Les enfants du placard (Benoît Jacquot, 1977)

A Paris, un jeune homme dispute sa soeur à son riche prétendant, associé de leur père qui fait des affaires louches en Afrique.

Que ce film étique et sinistre ait été largement salué en 1977 par les Cahiers du cinéma comme matérialisant leur réconciliation avec la fiction après le tunnel des années « Godard-Straub-Mao » montre combien la revue était partie loin. En revanche, le principal ressort dramatique (la mauvaise conscience d’un fils à papa bon à rien) qui l’anime  – aussi mollement soit-ce – fait bien des Enfants du placard un film 100% bourgeois. A croire qu’en ce qui concerne les critiques maoïsés, l’atavisme de classe fut plus fort que l’atavisme cinéphile.

Vive Henri IV…vive l’amour! (Claude Autant-Lara, 1961)

Pour mieux pouvoir la séduire, Henri IV arrange la mariage de mademoiselle de Montmorency avec le prince de Condé…

Le cabotinage des uns et des autres peine à enlever une mise en scène désolante d’académisme. Dommage, le récit, habilement inspiré d’une des anecdotes les plus piquantes du règne du Vert galant, aurait pu donner lieu à une savoureuse comédie historique.

De l’amour (Jean Aurel, 1964)

L’histoire de plusieurs couples est la matière de réflexions sur l’amour.

Qui mieux que Jacques Laurent, qui écrivit une fin de Lamiel, pour adapter Stendhal? De fait, Cecil Saint-Laurent (c’est ainsi qu’il signait ses scénarii) a brillamment prolongé le texte original, tant et si bien que l’on a bien du mal à distinguer ce qui relève de l’écrivain original de ce qui relève du hussard continuateur dans l’abondante voix-off. De l’amour est en effet un film où c’est le commentaire, tantôt développement théorique tantôt contrepoint ironique, qui donne son sel à l’action. Illustrer l’essai de Stendhal avec des histoires de couples contemporains rend les réflexions moins difficiles à digérer et renforce l’éclat de leur pertinence d’autant que l’élégance de la mise en scène de Jean Aurel -entre Kast et Rohmer- et la grâce sophistiquée d’Elsa Martinelli s’accordent parfaitement à la prose cristalline du grand Beyle.

Rosa la rose, fille publique (Paul Vecchiali, 1985)

Une jeune prostituée est la reine de son quartier jusqu’au jour où elle tombe amoureuse…

Cette trame canonique montre l’ambition de Paul Vecchiali qui est celle de poursuivre la tradition du cinéma populiste des années 30. Pour une fois, c’est pleinement convaincant. Son appréhension du milieu n’a rien de réaliste. On est dans un univers de pacotille revendiqué comme tel avec  force stylisation des éclairages; on songe à du Fassbinder débarrassé des oripeaux politico-socioligico-brechtiens. Plusieurs personnages secondaires sont drôles et bien croqués. Les unités de lieu, de temps et d’action sont respectées.
Bref, Rosa la rose, fille publique est un film rigoureusement conventionnel. Néanmoins, parce qu’il dépasse les archétypes pour l’écriture des personnages, Vecchiali atteint à une certaine vérité des sentiments, une vérité qui elle n’a rien de conventionnelle mais qui est plutôt paradoxale. Par exemple, le souteneur n’est pas un salaud mais un quinquagénaire cinéphile qui épargne pour ses vieux jours. Bref, un film simple, vivant, beau.

Chair de poule (Julien Duvivier, 1963)

Deux amis serruriers cambriolent un appartement. Cela tourne mal. L’un d’entre eux est arrêté et condamné aux travaux forcés. Il s’évade et se cache dans une station-service de Provence tenu par un homme âgé marié à une jeune et jolie femme…

Loin d’être un chef d’oeuvre, cette seconde adaptation de James Hardley Chase par Julien Duvivier (après L’homme à l’imperméable) est un bon film noir à la française. Ces histoires d’amitié virile contrariée par la femme et le pognon font penser à l’univers de José Giovanni. Dommage que Robert Hossein et Jean Sorel, sans être véritablement mauvais, ne conviennent guère à leurs rôles de malfrats en cavale. En revanche, Lucien Raimbourg (cousin de) exprime parfaitement le bon sens paysan honnête mais un brin retors de son personnage. Et la rare et gironde Catherine Rouvel est une parfaite femme fatale. La mise en scène sobre et efficace de Duvivier a le mérite d’ancrer l’action dans un lieu déterminé (la station-service), ce qui permet de dépasser la platitude des dialogues, la noirceur un brin exagérée et les légers problèmes de rythme d’une histoire un peu longue à se terminer.