Rapt à l’italienne (Dino Risi, 1973)

Parti en week-end avec sa jeune maîtresse, un industriel est pris en otage par des braqueurs d’extrême-gauche en cavale.

Plus qu’une satire amusante mais somme toute superficielle de la société italienne, cet argument est l’occasion d’une réflexion amère sur la virilité contemporaine. Rarement comédie aura été aussi malaisante qu’après la rupture de ton -et de rythme- au moment de l’arrivée du groupuscule dans le château du général retraité. Aussi bien que le comique, Dino Risi manie dans ce film le suspense (préparation de l’assaut au restaurant), la cruauté et l’émotion (la fin), sans sacrifier tous ces registres à la facile dérision. C’est sa grandeur, au-delà de quelques épaississements du trait.

La femme du prêtre (Dino Risi, 1970)

Après avoir été sauvée du suicide par un prêtre lui ayant répondu depuis une sorte de « S.O.S amitié », une chanteuse s’en amourache.

Faute peut-être de précsion dans l’écriture, le mélange des tons ne fonctionne pas très bien; l’exhubérance comique de Sophia Loren peine à s’accorder avec la gravité avec laquelle la question du célibat des prêtres est abordée via le personnage de Mastrioanni. Leur histoire d’amour manque de crédibilité dans ses commencements même si les situations attendues avec un tel postulat restent amusantes (tel la première rencontre chez les parents). La fin est assez belle, le film semblant trouvant enfin l’unité qui lui faisait défaut.

 

Le bel Antonio (Mauro Bolognini, 1960)

A Catane, l’impuissance d’un soi-disant séducteur met en péril son mariage arrangé avec une fille sublime.

La satire du patriarcat sicilien recèle des moments amusants dont le meilleur est l’ellipse de la mort du père, sommet d’humour noir. La mise en scène de Mauro Bolognini met bien en valeur les jolis décors intérieurs mais elle est un peu amidonnée. Assumer pleinement le genre comique en insufflant plus de mordant et de vivacité n’eût pas nui à la force dramatique. Les acteurs -en particulier Pierre Brasseur- sont très bons mais on ne voit pas assez Claudia Cardinale (alors qu’on voit beaucoup Marcello Mastroianni).

Dimanche d’août (Luciano Emmer, 1950)

Un dimanche d’août, des Romains divers et variés vont à la plage.

Ce film néo-réaliste réalisé par un documentariste est dénué des oripeaux sociaux-politico-démago qui encombrent tant de films de ce courant. Reste un panorama honnête et historiquement intéressant de certaine couche populaire de l’Italie d’après-guerre. Les scénaristes ont dans l’ensemble entremêlé leurs nombreuses intrigues avec virtuosité mais ils auraient pu nous épargner l’anecdote policière qui arrive comme un cheveu sur l’eau d’un verre qui ne manque pas de fraîcheur. Chronique superficielle mais attachante, Dimanche d’août s’inscrit dans la lignée du Solitude de Fejos.

L’esclave du péché (Raffaello Matarazzo, 1954)

Suite à une catastrophe ferroviaire, une prostituée recueille une orpheline mais il va être difficile pour une femme de sa condition d’obtenir le droit de l’adopter…

Cette phrase d’introduction ne donne qu’un léger aperçu de l’accumulation de poncifs mélodramatiques du scénario. L’esclave du péché est une sorte d’essence de mélodrame réalisée par un maître du genre. A quoi reconnaît-on le maître? Au fait que les conventions n’apparaissent jamais dans son oeuvre comme des béquilles (il n’y a guère que le personnage du maquereau qui soit une facilité) mais qu’elles lui permettent d’isoler la substance d’un drame. Ce drame, c’est celui de beaucoup de grands mélos, c’est celui de l’oppression de la femme dans une société ultra-rigide. Le talent de Matarazzo, c’est de raconter son histoire en ne gardant que l’essentiel. Il fait preuve d’un sens de l’épure dans la mise en scène comparable à celui de Fritz Lang dans ses derniers films.

L’étranger (Luchino Visconti, 1967)

Adaptation de L’étranger de Camus, le livre que vous avez tous lu au lycée.

Quand on découvre ce film après 40 ans d’invisibilité, on comprend que divers ayant-droits aient longtemps empêché sa diffusion. L’étranger est en effet  le seul véritable navet parmi les quatorze longs-métrages réalisés par Luchino Visconti. Il faut dire que le roman à partir duquel il a été adapté n’a déjà pas un grand intérêt. Il n’y a pas grand-chose à illustrer or comme la mise en scène est essentiellement illustrative…Visconti semble en effet avoir été bouffé par la colossale production de Dino de Laurentiis tant le film est dénué de style.

Les scènes de tribunal  (la moitié du film) sont particulièrement ennuyeuses. Parfois, des traits de caractère qui, du fait du détachement du narrateur apparaissaient suggérés dans le roman, deviennent caricaturaux à l’écran. Voir par exemple le grotesque du passage avec le juge d’instruction, passage dont l’indigence formelle a plus à voir avec un western spaghetti qu’avec ce à quoi nous avait habitué le cinéaste. De plus, Mastroianni, star incarnant la classe et l’assurance virile est parfaitement inadéquat pour jouer Meursault, homme médiocre, sans volonté, vide de coeur et d’esprit. Enfin, la langue italienne dans la bouche de supposés pieds-noirs ajoute à la fausseté de l’ensemble.

Un bon point tout de même: L’étranger est l’occasion de voir une Anna Karina appétissante comme jamais. Dorée et humide, elle est ici autrement plus sensuelle que chez son Pygmalion helvéto-puritain.

Allonsanfan (Paolo Taviani et Vittorio Taviani, 1974)

En Italie en 1816, un révolutionnaire sort de prison. Il rejoint la demeure familiale et trahit ses anciens camarades avec qui il ne se sent plus en phase.

C’est donc une réflexion sur l’engagement révolutionnaire typique du cinéma d’auteur des années 70. Je ne parlerai pas du discours qui de toute façon n’intéresse plus personne aujourd’hui, je noterai que le film est un échec dramatique (et non un dramatique échec, attention à la nuance). En effet, la distanciation qui caractérise la mise en scène reste stérile. Commentaire verbal abondant, rêves en carton-pâte lourds de sens, musique baroque (par ailleurs superbe: il s’agit d’une des meilleures partitions d’Ennio Morricone), ellipses surprenantes et autres procédés contribuent à détruire tout rapport direct du spectateur à l’image. Ce qui est dommage pour un film qui confronte la lutte révolutionnaire à la famille et aux souvenirs d’enfance. Nous ne sommes pas chez Brecht où la distanciation dramatique sert à clarifier le jeu politique. Ici, elle apparaît vaine et nous fait regretter que le romanesque du sujet n’ait pas été assumé par les cinéastes.

Fantôme d’amour (Dino Risi, 1981)

A Milan, Nino, un célèbre avocat paie le ticket de bus d’une femme misérable. Le soir, elle le rappelle et se présente comme étant son grand amour de jeunesse, Anna Brigatti. Nino est troublé. Il cherche à revoir son ancienne maîtresse. Il la retrouve aussi jeune et belle que celle qu’il a connu. Cette Anna lui dit que la femme du bus était une vieille cousine à elle, à moitié-folle. Mais il apprend ensuite qu’Anna est morte quelques années auparavant. Sombre t-il dans la folie ou les fantômes existent-ils ?

Fantôme d’amour un film amer dans lequel le fantôme symbolise l’obsession de Nino.  C’est une oeuvre étouffante dans laquelle la mise en scène ne réussit pas tout à fait à transcender le caractère artificiel du concept.

Drame de la jalousie (Ettore Scola, 1970)

Un Italien est jugé pour un crime passionnel. Retour sur le passé d’un homme qui a tout abandonné -y compris le Parti communiste- pour les beaux yeux de Monica Vitti.

Une comédie féroce avec un mélange des tons typique du genre dans sa version italienne. Le film est inégal, on sent parfois les procédés, mais Mastroiani est épatant dans  son rôle d’homme plus que moyen entraîné par l’amour.

La nuit de Varennes (Ettore Scola, 1982)

Le récit de la tentative de fuite de Louis XVI, avec différents témoins, différents personnages.

Ce microcosme est évidemment censé symboliser la révolution. Le procédé est éculé mais plutôt bien utilisé. Les acteurs sont bons, Scola évite le côté « défilé de stars » malgré une distribution exceptionnelle (un film qui réunit Jean-Louis Barrault et Harvey Keitel, ça n’est pas rien) et le caractère polyphonique du récit évite un discours trop simpliste sur les évènements. Néanmoins, la mise en scène reste banale, les standards baroques réorchestrés par Armando Trovajoli peinent à lui donner un peu de poids. Pas désagréable mais loin d’être inoubliable.